mercredi 13 août 2014

1972 - LES AVENTURES DE PINOCCHIO (LE AVVENTURE DI PINOCCHIO)


RESUME

Dans une grande bûche enchantée qu'il a empruntée à son voisin, Maître Cerise, Gepetto, le pauvre menuisier, fabrique une marionnette. Il croit remarquer que son ouvrage, terminé, est doué de mouvement et de parole, mais il attribue ces hallucinations à la faim qui le tenaille. Aussi va-t-il vite se coucher. Dans la nuit glaciale, la fée Turquoise transforme la marionnette en petit garçon à la grande joie de Gepetto qui a toujours rêvé d'un fils. Mais le petit Pinocchio se révèle un enfant turbulent : il manque de se faire arrêter pour vol et disparaît avec un montreur de marionnettes au lieu d'aller en classe. Gepetto, le croyant parti pour l'Amérique, s'embarque mais finit par se noyer, au moment même où aperçoit son fils qui le cherche. Pinocchio, qui a échappé aux malhonnêtes Chat et Renard, puis a suivi le vaurien Lucignolo, s'amende, grâce à la fée Turquoise qui lui pardonne toutes ses incartades. Il ne résiste cependant pas à partir avec Lucignolo pour le pays des Jouets ; hélas, le rêve tourne mal : Pinocchio est métamorphosé en âne, vendu dans un cirque. Blessé, il manque d'être étripé. Il est finalement avalé par une baleine. Dans l'estomac de cette dernière, il retrouve Gepetto, ravi d'avoir pu s'assurer pour ses vieux jours un havre de paix, où gîte et nourriture sont quotidiennement assurés. Mais Pinocchio s'accommode mal de cette quiétude. Il convainc son père de profiter de l'offre d'un thon de leurs amis qui leur propose de s'évader. Rendus à la civilisation, Pinocchio et Gepetto s'en vont à la recherche du pain de chaque jour.
© Les fiches du cinéma 2003


FICHE TECHNIQUE

Titre original : "Le avventure di Pinocchio"
Réalisation : Luigi Comencini
Scénario : Luigi Comencini, Suso Cecchi D'Amic d'après le conte "Pinocchio" de  Carlo Collodi
Pays de production : Italie, France, République fédérale d'Allemagne
Production : RAI - Radio Televisione Italiana, O.R.T.F. - Office de Radiodiffusion et Télévision Française, Bavaria Film GmbH (München-Geiselgasteig)
Images : Armando Nannuzzi (Couleur)
Son : Giorgio Pallotta
Musique : Fiorenzo Carpi
Décors : Piero Gherardi, Massimo Tavazzi, Arrigo Breschi
Montage : Nino Baragli
Durée : 324 min (6 épisodes TV), 135 mn (Version cinéma)
Diffusion TV : 19 Decembre 1972 (France)
Sortie Cinéma : 22 août 1975 (France)
Distribution : Cinéma Public Films

DISTRIBUTION

Nino Manfredi (Geppetto)
Andrea Balestri  (Pinocchio)
Gina Lollobrigida  (la fée)
Vittorio De Sica  (le juge)
Mario Adorf  (le dompteur du cirque)
Ciccio Ingrassia  (le renard)
Franco Franchi  (le chat)
Orazio Orlando   (le brigadier)
Lionel Stander  (le cracheur de feu)
Ugo D'alessio (Ciliegia)
Enzo Cannavale  (le patron du Gambero Rosso)
Domenico Santoro  (Lucignolo)
Carlo Bagno  (le patron de Melampo)
Zoe Incrocci  (Lumaca)
Vera Drudi  (l'épouse du cracheur de feu)
Mario Scaccia (le premier médecin)
Jacques Herlin (le second médecin)
Siria Betti  (la mère de Lucignolo)
Nerina Montagnani  (Faina)
Luigi Leoni  (l'instituteur)
Mimmo Olivieri   (un brigadier)
Pietro Gentili  (un brigadier)
Clara Colosimo   (la propriétaire du négoce)
Riccardo Billi (le vendeur)





Très grand Comencini avec encore un personnage d'enfant et pas n'importe lequel, Pinocchio, pour une adaptation du célèbre conte de Collodi, classique de la littérature enfantine italienne.
Sous l'aspect du conte fanstastique et moralisateur attendu, Comencini nous livre un film captivant qui justement pervertit cette attente et au contraire nous montre un Pinocchio rebelle et rétif à toute tentative de soumission .Il se contrefiche d'aller à l'école, il est plus attiré par la rue qui fait son éducation, parfois à son propre détriment quand il fait confiance aux mauvaises personnes (Le renard et le chat,..). Ce Pinocchio est plein de vie, a soif de liberté, court souvent, comme les enfants chez Comencini (c'est le sujet même d'"un enfant de Calabre"). A travers Pinocchio, c'est Comencini qui interroge le monde des adultes pour mieux en démontrer l'abusrdité des conventions et comportements.
Dans le rôle de Gepetto, il faut noter la magnifique composition de Nino Manfredi, seul acteur italien capable de parler à un bout de bois tout en restant crédible selon Comencini et choisi pour cette raison.

La version originale des Aventures de Pinocchio (Le avventure di Pinocchio, 1972) est un feuilleton télévisé en six épisodes (324 minutes) en version française et de cinq épisodes (300 minutes) en version italienne.
Suite au succès de sa diffusion télé, le film fut remonté dans une version ramenée à 135 minutes pour sa sortie en salles.






AUTRES CRITIQUES

« Une version longue de six épisodes pour la télévision et une version courte pour le cinéma ont assuré le succès de cette adaptation d'un célèbre roman pour enfants du 19ème siècle. Comencini reste fidèle à la trame narrative, mais il en modifie complètement la signification. Le livre était écrit pour "inculquer aux enfants le sens de l'obéissance et de la soumission aux adultes" (L. Comencini). Le film, au contraire, est un acte de rébellion contre une éducation qui ne vise qu'à soumettre l'individu alors que la révolte le conduit à la liberté et à la prise en charge de sa destinée. C'est ainsi qu'à la fin du film le propos est inversé. "En obligeant son père à quitter son abri, Pinocchio provoque la deuxième naissance de Gepetto [...]. Leur relation est désormais totalement claire, totalement purifiée et dégagée des multiples pressions sociales et moralisantes qui n'avaient cessé de s'exercer sur elle pour la gauchir" (J . Lourcelles). Une excellente relecture d'un livre bien démodé. »
Guide des films Jean Tulard (Claude Bouniq-Mercier)

« Luigi Comencini, le meilleur cinéaste de l’enfance, a sans doute réalisé son chef-d’œuvre avec cette magnifique adaptation du conte de Collodi. La version originale des Aventures de Pinocchio (Les avventure di Pinocchio, 1972) est un film en six épisodes tourné pour la télévision italienne, d’une durée totale de 324 minutes. En France, on le connaît dans sa version cinéma, soit un remontage parfois abrupt de 135 minutes. Dans son journal de tournage dont des extraits furent proposés dans les suppléments du DVD français du film (éditions Doriane), Comencini éclaire le cinéphile sur ses intentions, ses méthodes de travail (notamment sur sa façon, admirable, de diriger de jeunes acteurs non professionnels), le déroulement du tournage et de la postproduction. Le film est un modèle d’adaptation cinématographique, et respecte un monument de la littérature enfantine italienne tout en orientant de façon très personnelle le message de l’œuvre. Le film de Comencini propose une lecture matérialiste de Collodi (même les aspects merveilleux du conte sont traités de façon réaliste, un peu à la façon de Pasolini) et le cinéaste insiste sur la liberté, l’insoumission de Pinocchio, plutôt que de faire l’apologie de l’obéissance. Dans le film, la fée n’est pas loin de devenir un personnage négatif. Le choix de Gina Lollobrigida, qui ressemble davantage à une vieille sorcière qu’à une 
gentille fée, n’était sans doute pas innocent. Ses mauvais rapports sur le tournage avec Andrea Balestri qui interprète Pinocchio, se plaît à raconter Comencini, prouvèrent l’intelligence du jeune garçon et l’excellence de son choix pour le rôle. De son côté, Lollobrigida aurait déclaré après avoir vu le film : « Si j’avais su que ce Pinocchio-là était communiste, je n’aurais pas joué dedans. » Sans commentaire. Ajoutons que la direction artistique est admirable, et situe le film, avec les œuvres de Fellini, Pasolini et Visconti de la même période, dans un âge d’or de la production transalpine, quand le savoir-faire unique au monde des techniciens et artisans de Cinecittà était au service de cinéastes en pleine maturité créatrice. On retrouvera avec plaisir, aux côtés de Nino Manfredi bouleversant dans le rôle de Geppetto, quelques personnalités truculentes du cinéma populaire italien : Mario Adorf, Lionel Stander et surtout les géniaux comiques siciliens Franco Franchi et Ciccio Ingrassia dans les rôles du Chat et du Renard. »
Olivier Père (Blog pour Arte)

« Un film magique, féérique et au charme fou. Merveilleux dans tous les sens du terme.
Luigi Comencini s’est déjà taillé une solide réputation de cinéaste sensible, particulièrement à l’aise dans la description de l’enfance grâce à deux oeuvres majeures - L’incompris (1967) et Casanova, un adolescent à Venise (1969) - lorsqu’il se lance dans un projet très ambitieux : l’adaptation du conte pour enfant de Carlo Collodi intitulé Pinocchio. Cette commande émane en réalité de la RAI, chaîne de télévision italienne qui compte projeter ce feuilleton en cinq épisodes d’une heure chacun. Devant l’impressionnant succès remporté par la diffusion de ce long téléfilm, les producteurs demandent à Comencini de réaliser des coupes pour en faire un long métrage de cinéma. C’est cette version de plus de deux heures que nous avons vue, ce qui implique quelques défauts au niveau de la construction, forcément moins équilibrée que dans la version intégrale de cinq heures.
Malgré ces quelques réserves, le métrage reste de loin le plus beau témoignage du talent d’un cinéaste alors au sommet de sa créativité. Le scénario de Suso Cecchi d’Amico réorganise le conte de Collodi et le modifie sensiblement, atténuant notamment tout le côté moralisateur. Ainsi, le petit Pinocchio devient un véritable garnement, méfiant envers les institutions et ayant un comportement volontairement anarchique. Prenant systématiquement la mauvaise décision, il ose défier les autorités avec une bonne humeur communicative. On sent bien que Comencini se retrouve dans l’état d’esprit frondeur de ce gamin en butte à une société traditionnelle trop contraignante. Ce sentiment de douce dissidence donne un charme particulier à cette œuvre féérique où les gens peuvent être avalés par des baleines ou sauvés par des fées. Le caractère rudimentaire des effets spéciaux donne un charme fou à cette luxueuse production, le réalisateur mettant volontairement en avant le caractère poétique de la situation au détriment de la sacro-sainte efficacité visuelle : la baleine est bien en carton-pâte tandis que le pantin s’anime telle une marionnette - et l’on reste émerveillé par tant d’ingéniosité. Enfin, Les aventures de Pinocchio est porté par une interprétation tout en nuances de Nino Manfredi, admirable Geppetto et par la fraîcheur et l’espièglerie du jeune Andrea Balestri. Du coup, l’émotion s’immisce à chaque plan, faisant de cette version du conte la plus belle et la plus poétique de toutes. »
Site http://www.avoir-alire.com/ (Virgile Dumez)

Panorama des critiques d' époque

La Croix 
« Comencini a voulu nous offrir une version condensée de l’œuvre qu’il avait tirée du conte célèbre de Collodi, permettant ainsi à ceux qui avaient manqué l’émission télévisée de refaire connaissance avec la marionnette insolente et tendre que les adultes comprendront peut-être mieux que les enfants. Inévitablement, du grand au petit écran, il y a déperdition de la substantifique moelle. Mais pas au point d’enlever au film sa profonde originalité. Comencini, en effet, ne s’est pas contenté de mettre en images le récit de Collodi (...). Le talent de Comencini aura été de pousser la critique psychosociologique sans gommer le merveilleux ».
Henry Rabine, 08/10/1975

Le Figaro
« C’est joli, c’est poétique, c’est plein de fées et d’images floues ; la caméra 8 mm de notre anniversaire n’arrive pas à faire aussi bien ; les éclairages en demi-teintes nous ont charmés ».
Renaud Matignon, 28/08/1975

France Soir
« Projeté à la télévision en Italie, en France et en Allemagne, ce Pinocchio vaut d’être vu sur le grand écran par ses qualités plastiques et ses inventions constantes ».
[S.N.], 14/08/1975

France Soir
« Luigi Comencini n’a pas seulement bousculé le conte trop conventionnel. Il a su montrer le vrai contexte de l’aventure, cette Toscane misérable d’autrefois où dominaient la misère et la faim. Pinocchio, petit redresseur de torts, est un petit Robin du bois, mais Comencini est aussi un poète et un esthète. Il a trouvé des décors et des sites admirables et les a filmés avec art et amour (...). Finalement, le fantastique du film va plus loin que celui du livre. Ce Pinocchio est ainsi une fête pour les yeux et l’esprit ».
Robert Chazal, 25/08/1975

L’Humanité Dimanche
« De ce conte dont Walt Disney avait tiré une fable sirupeuse, Comencini en fait un traité d’éducation non conformiste. Il plaira aux enfants qui font l’école buissonnière et aux adultes qui préfèrent les hommes libres aux esclaves (...). Mais Comencini va plus loin. Tout son film se déroule dans une Italie pauvre, déguenillée (...). Mais cette description d’un monde cruel, Comencini la traite avec cet humour qui est le sien, un humour sans ambigüité, un humour bon enfant. Le résultat est un film non conformiste qui est un constant bonheur ».
Serge Gilles, 04/09/1975

Libération
« Interprété par des acteurs de grand talent et habilement mis en scène, ce film ne cache pourtant pas ses nombreuses limites, surtout là où il tend à dépolitiser le récit (...). Malgré tout cela, on sort du film heureux d’avoir vu une fée telle qu’elle est, et cela grâce à la désolante interprétation de Gina Lollobrigida (...). Un film à voir après avoir lu et compris le livre de Collodi, ses intuitions, ses limites et son esprit ».
Bruno et Elio, 19/09/1975

Les Nouvelles Littéraires
« La rencontre de ce grand cinéaste italien, que l’on commence à peine et peu à peu à découvrir, et de ce classique de la littérature ne pouvait que promettre d’être passionnante, et l’œuvre qui en résulte tient cette promesse au-delà de toute espérance (...). Si le Pinocchio de Comencini est une telle réussite, qui le place sans conteste au sommet du cinéma pour la jeunesse, c’est bien évidemment d’abord en raison de l’amour que le réalisateur porte aux enfants, et du respect profond avec lequel il les a toujours traités à l’écran, qu’il s’agisse de fiction ou de reportage ».
Georges Brancourt, 15/09/1975

Le Nouvel Observateur
« Féérie sans guimauve, fable morale, constat limpide : depuis le célèbre conte de Collodi, les petits Pinocchio facétieux du monde entier n’ont guère changé (...). Grand cinéaste populaire, Comencini a repris un ancien projet de Fellini pour faire du conte de fées un récit réaliste. Pinocchio, c’est L’Amarcord des gosses de la rue. Un enchantement ».
[S.N.], 21/09/1975

Le Point
« Le message est clair. Comencini considère l’enfance comme un âge d’or de l’humanité, le seul où le merveilleux soit ancré dans le quotidien. La nature, dont il est l’expression la plus achevée, peut, seule, lui enseigner à vivre. 
Collodi, réinterprété par Comencini, est un ancêtre de Piaget et de la méthode Freinet. Et le film de Comencini, outre sa réussite formelle unique, digne du De Sica de Miracle à Milan, est le seul film d’enfants qu’un adulte puisse voir avec profit, voire délice, pour en tirer une leçon de parfait savoir-vivre ».
Robert Benayoun, 18/08/1975

Télérama
« Voilà une œuvre bouleversante, pleine d’humour et de tendresse, qui flirte avec l’intelligence, passe par Mark Twain, Fellini et la commedia dell’arte, sans emprunter de gros sabots, et mérite un grand coup de chapeau ».
Jean-Luc Douin, 20/08/1975

Valeurs Actuelles
« Il y a dans ce film un remarquable tableau de l’enfance, de ses étonnements et de ses émerveillements, de ses angoisses et de ses audaces miraculeuses, comme seul pouvait le faire [Comencini]. Mais il y a mille autres choses encore, notamment une vision poignante de l’Italie rurale au siècle dernier, alliées à la féérie du conte. Tout cela, Luigi Comencini l’a tiré de l’ombre même du texte de Collodi, ouvrant ainsi à la lecture des pistes insoupçonnées. Comencini a-t-il oui ou non trahi Collodi ? Il est d’autant plus difficile de répondre que l’analyse vient en définitive buter sur la beauté rayonnante du film, à laquelle le spectateur, et il a bien raison, ne demande qu’à s’abandonner. Car tout y est enchantement ».
Michel Marmin, 01/09/1975

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