vendredi 22 août 2014

1974 - MIO DIO, COME SONO CADUTA IN BASSO! (MON DIEU, COMMENT SUIS-JE TOMBEE SI BAS ?)





RESUME

Au moment où, tout juste sortie du couvent, la ravissante Eugenia de Maqueda épouse par amour le « plébéien » et riche Raimondo Corrao, elle reçoit de son père un télégramme qui lui apprend qu'elle n'est point sa fille et que son nouvel époux est en même temps son frère. Une séparation ne saurait être envisagée, dans cette Sicile de la fin du XIXe siècle, sans donner prise à d'abominables médisances. Le couple décide donc de vivre chastement le reste de son existence. Mais les tentations se multiplient : au cours de son voyage de noces, Eugenia est activement courtisée par un Français, Henry de Sarcey, lequel s'enfuit en découvrant la virginité de sa proie. Rentrée chez elle, Eugenia cède, non sans remords, à son chauffeur. Tandis que son frère-époux s'engage en Lybie, Eugenia, grande admiratrice du poète, rend visite à d'Annunzio en compagnie d'une amie, Evelyn, qui l'initie à certains jeux de femme que la société réprouve. Toujours en quête de l'idéale pureté, Eugenia pense à se retirer dans un couvent. Lors de la dernière visite qu'elle fait à son « frère » devenu député, les deux époux se décident à braver la morale jusqu'à consommer l'inceste. Mais les prive de cette joie un télégramme qui annonce à Raimondo qu'il n'est pas le fils de son père !. La guerre de 1914 éclate sur cette nouvelle et l'infortuné Raimondo y meurt. A la fin du conflit, Eugenia retrouvera les bras de son ex-chauffeur qui s'emploiera à lui faire perdre ses grands airs.
© Les fiches du cinéma 2003


FICHE TECHNIQUE

Réalisateur : Luigi COMENCINI.
Scénario : Luigi COMENCINI, Ivo PERILLI, sur un sujet de Luigi COMENCINI.
Image : Tonino delli COLLI (Couleur).
Musique : Fiorenzo CARPI, direction d'orchestre Gianfranco PLENIZIO.
Montage : Nino BARAGLI, assistant Gino BARTOLINI.
Costumes : Dante FERRETTI (design).
Son : Vittorio MASSI
Caméra : Carlo TAFANI.
Script : Maria Grazia BALDANELLO.
Maquillage : Goffredo ROCCHETTI.
Coiffure : Renata MAGNANTI.
Direction de la production : Tonino SARNO (supervision), Mario d'ALESSIO.
Production : Pio ANGELETTI, Adriano de MICHELI, Dean Film.ITALIE, 1974.
Sortie : 24 Octobre 1974 (Italie), 10 décembre 1975 (France)
Durée : 110 mn
Genre : Comédie


DISTRIBUTION

Laura ANTONELLI (Eugenia di Maqueda)
Alberto LIONELLO (Raimondo Corrao, le marquis de Maqueda)
Michele PLACIDO (Pennacchini, le chauffeur)
Jean ROCHEFORT (le baron Henri de Sarcey)
Karin SCHUBERT (Evelyn)
Michele ABRUZZO (Don Pacifico)
Ugo PAGLIAI (Ruggero di Maqueda)
Rosemarie DEXTER (Floidia di Maqueda, la mère d'Eugenia)
Giuseppe CARACCIOLO
Clemente CIPA
Sebastiano INDELICATO
Carla MANCINI
Lorenzo PIANI
Maria SCIACCA.



Mon dieu comme suis-je tombée si bas ? est une comédie étonnante au charme fou, magnifiée par la belle Laura Antonelli, qui prouve ici qu'elle était aussi une très bonne actrice, bien dirigée par Comencini il est vrai. Le titre pourrait faire croire à une production polissonne de série, accréditée par la présence de Laura Antonelli. Même si le film nous offre les moments attendus avec un érotisme discret, où elle n'est pas avare de ses charmes, il fonctionne à plusiers niveaux : film historique, intrigue de roman photo, comédie érotique, satirique (critique du D'annunzianisme). L'outrance, même si elle peut en agacer certains, est mise au service d'une critique des moeurs italiennes préfigurant le fascisme. Il manque peut-être une grande tête d'affiche masculine, Michele Placido, alors à ses débuts est néanmoins parfait dans le rôle du chauffeur sentant la sueur qui saura enfin dépuceler l'héroîne après toutes ses tentatives avortées. Un grand Comencini, même si parfois il cède à la facilité dans certaines scènes, il n'en reste pas moins percutent et pertinent dans le tableau qu'il brosse de l'Italie ce ces années là dont selon Comencini il reste toujours des traces dans la société italienne actuelle. 
Parmi les scènes d'anthologie à ne pas manquer, signalons surtout celle où le chauffeur n'arrive pas à enlever tous les jupons, corsets, frou frous qui cadenassent littéralement l'héroîne et il manque de renoncer avant d'entreprendre de déchiqueter tous ses vêtements avec un petit couteau.

VIDEOS


Bande annonce


Bonus du DVD : Film raconté par Jean A. Gili

AUTRES CRITIQUES

« L'histoire d'une marquise italienne contrainte par l'adversité à contracter un mariage blanc, à être séduite et abandonnée, à être dévergondée par un chauffeur sentant la sueur... Satirique et burlesque, magnifiquement filmé et mis en scène (la photographie est superbe, l’interprétation sans failles),  Mon  Dieu  comment  suis-je  tombée  si  bas  !  tourne  en  ridicule  la  bourgeoisie  italienne  du  XIXème siècle éperdue d'admiration pour les fariboles du poète national de l'époque, Gabriele D' Annunzio. Une comédie qui sait être drôle tout en flirtant avec la gaudriole, distinguée tout en cultivant un érotisme parodique, intelligente tout en marchant dans les plate-bandes de la grivoiserie. »
Télérama (Roman Chestak)

 « La sensualité de Laura Antonelli fait sensation dans cette satire, fort drôle et aux images raffinées, de la bourgeosie italienne de la fin du XIXème siècle nourrie de la littérature de Gabriel D'Annunzio. »
Guide des Films de Jean Tulard (Jean Tulard)

« Immédiatement après Un vrai crime d’amour, Comencini change de lieu, d’époque, de genre, pour mettre en scène une de ses meilleures comédies, un de ces films où l’apparente drôlerie cache une amertume secrète. Reprenant un peu la perspective de La grande pagaille - un moment de l’histoire italienne vu au travers de quelques destinées particulières - Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? est aussi une des rares œuvres en costumes de l’auteur de Casanova, un adolescent à Venise. Le film tire d’abord son originalité de ce qu’il s’intéresse à une époque - fin du XIXème début du XXème - que le cinéma italien a rarement abordé en ces termes : que l’on pense par exemple à la manière radicalement différente dont Visconti évoque le dannunzianisme dans L’innocent.






Comencini ne s’intéresse pas aux ressorts traditionnels de la psychologie des personnages mais plutôt aux phénomènes de mœurs et de culture dont ces personnages sont le support. Comencini s’interroge sur quelques problèmes fondamentaux de l’histoire de la péninsule : dans quel contexte le fascisme est-il arrivé au pouvoir ? Quel terrain lui avait préparé la culture antérieure ? Le cinéaste remonte aux racines d’un phénomène qui a fortement marqué le peuple italien : le dannunzianisme a bercé l’Italie dans l’exaltation nationaliste et dans les débordements du discours patriotique.(...)
Des personnages fantomatiques - véritables marionnettes qui ne mesurent pas le degré de folie dans laquelle elles sont tombées - ressentent les rapports sexuels comme une suite de tabous, se déchirent, englués dans les faux problèmes de la respectabilité, s’enferment dans des dilemmes de roman-feuilleton : liés l’un à l’autre par le mariage, un frère et une sœur ne peuvent consommer leur union. Quand ils s’y résolvent - ayant décidé d’enfreindre le tabou -, la révélation de leur non-consanguinité leur ôte tout désir sexuel : leur attirance n’était que la conséquence d’un sentiment sophistiqué de l’acte interdit. Ainsi, sous ces avatars amoureux perce un univers idéologique qui s’éloigne sans cesse davantage des vrais sentiments, des vrais valeurs. Cette irréalité croissante, ce bouillon de «culture», préparent le terrain à l’aventure mussolinienne.

Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? est une comédie, un film grotesque même, mais ici, comme souvent chez Comencini, le comique sert de véhicule à une œuvre grave, une œuvre qui déborde du cadre historique qui est le sien : «La culture italienne - souligne Comencini - est encore malade de dannunzianisme. Il me semble qu’une prééminence de l’esthétique sur le réel est encore évidente dans la littérature italienne de la fin de la guerre à aujourd’hui, littérature qui a donné par ailleurs des livres très importants. (...) Ce culte de la belle phrase, du beau geste, cette incapacité de voir le réel tel qu’il est, dans sa dimension concrète, se trouve également dans le cinéma».
Il faut sans doute voir dans ce procès indirectement instruit contre certains aspects de la culture italienne, le fait que Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? ait connu une médiocre carrière en Italie et que la critique l’ait accueilli de façon mitigée en insistant sur la réussite comique du film mais en ne mettant pas en évidence toute la richesse dramatique de l’œuvre. En fait, rarement cinéaste a su aborder avec autant de précision et de sens de la mise en scène un problème typique de la civilisation italienne. »
Luigi Comencini - Editions Gremese (Jean A. Gili)

LIENS 

http://www.paperblog.fr/5318969/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas-mio-dio-come-sono-caduta-in-basso-luigi-comencini-1974/

http://www.rueducine.com/2012/06/29/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas-1974-2/

http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2013/08/09/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas-de-luigi-comencini/

http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas.html

http://www.kinoscript.com/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas-luigi-comencini/

http://www.italieaparis.net/actualite/news/mon-dieu-comment-suis-je-tombee-si-bas-13321/


AUTRES AFFICHES








 

ENTRETIEN AVEC LUIGI COMENCINI

Comment avez-vous écrit le scénario de ce film ? Quel a été l’apport de Ivo Perilli ?

Je connais Perilli depuis de nombreuses années. La première fois où j’ai été assistant,c’était sur un film de Perilli, La prima donna, un film de 1942 interrompu par la guerre puis terminé au prix de beaucoup de difficultés.  Perilli est un homme très cultivé et un grand connaisseur de la période qui va de la fin du XIXème siècle au début des années vingt — celle de mon film. Perilli est une mine d’érudition, d’informations littéraires, historiques, anecdotiques sur la période considérée. Il a été pour moi un utile conseiller pour préparer Mio Dio come sono caduta in basso ?. J’ai construit avec lui le sujet du film ; quant au scénario, je l’ai écrit tout seul. Le film est un « collage » fait d’allusions, de personnages empruntés à la mauvaise littérature de l’époque, d’images provenant d’autres images.   La base du récit est clairement empruntée au roman feuilleton avec tous les coups de théâtre, les équivoques, les drames de ce type de littérature, le tout accentué et naturellement tiré vers l’ironie. Le comportement des personnages est influencé par le dannunzianisme envisagé comme mode et comme goût.
Ceux-ci se comportent comme de pseudo-héros dannunziens ; on peut dire aussi comme des héros de Guido Da Verona qui a été un épigone et un mauvais vulgarisateur de D’Annunzio. Les attitudes rhétoriques, nationalistes et réactionnaires sont ici des attitudes schématiques, authentiques mais maniérées.
À la différence de mes autres films, dans Mio Dio come sono caduta in basso ? il n’y a pas de caractères, les caractères sont donnés pour ce qu’ils sont, ils ne sont pas analysés. Il n’y a pas ici d’étude de caractères comme par exemple dans Un vrai crime d’amour où les personnages évoluent, changent selon une évolution secrète qui révèle la nature profonde de cet ouvrier du Nord et de cette jeune fille du Sud. Au contraire ici, on a un jeu de personnages sans âme, de pantins qui font allusion aux mœurs d’une époque.

Pour quelles raisons avez-vous choisi de situer le film en Sicile ?

Peut-être s’agit-il là d’un choix erroné parce qu’effectivement le dannunzianisme a été un phénomène plus lié à la haute bourgeoisie septentrionale et centrale que méridionale — peut-être napolitaine mais non sicilienne. Cependant, à cause de ce désir de raconter une histoire de pantins, j’ai cherché des personnages qui soient un peu l’exacerbation de certaines attitudes. Pour tout l’aspect du film qui s’appuie sur le roman feuilleton, il fallait que le sens de la famille, de l’honneur, du bigotisme, l’importance de la richesse léguée de famille en famille, le rôle de l’honneur, soient assez violemment ressentis par ces personnages-pantins. De cette manière, le film pouvait acquérir son humour propre ; la superposition de la pseudo-culture dannunzienne pouvait s’y greffer de façon grotesque.
Il faut garder présent à l’esprit que mon intention, dès le début, a été de faire un film humoristique, un « grotesque ». En un certain sens, aujourd’hui, l’Italie c’est la Sicile : cela est erroné du point de vue de l’histoire culturelle ; cependant, dans les films italiens — à la manière dont on les voit à l’étranger depuis Divorce à l’italienne — les Italiens se comportent comme des Siciliens. Je devais faire un film dans lequel tous les personnages se comportaient de manière exaspérée, selon des caractéristiques évidentes, simples, élémentaires, afin d’obtenir un jeu de contrastes comiques. De ce point de vue, le choix de la Sicile se justifie : on pouvait raconter la même histoire en la situant dans d’autres régions, en Toscane par exemple ; cependant, elle serait devenue plus dramatique ou en tout cas d’un comique beaucoup moins évident. (…)





Le film peut également être envisagé comme une introduction au fascisme. On ne peut pas le voir sans penser qu’il se situe dans les années immédiatement antérieures au fascisme.

En disant cela, vous me remplissez de joie parce que c’est exactement ce que j’ai voulu dire dans le film et je ne sais pas si j’y ai réussi. De ce point de vue, le film aurait pu se terminer sur Lionello devenant un hiérarque fasciste. Cependant, au fond, il est plus juste de le faire mourir dans une guerre qui fut un drame sérieux, une hécatombe, non quelque chose de ridicule comme tout ce qui précède dans le film.

Au travers de la sophistication des rapports amoureux, le film peut aussi se lire comme la recherche d’une vérité sexuelle.

Avec la littérature de D’Annunzio, tout est devenu très compliqué : les rapports sexuels vus à travers D’Annunzio sont d’une  complexité,  d’une  sophistication  telles  qu’ils  atteignent à la folie — par ailleurs, ils sont également ingénus par rapport aux véritables perversions. Mio Dio, come sono caduta in basso ? est le voyage tortueux d’une pauvre femme, pas très intelligente mais très sensuelle, qui, plongée dans une culture délirante et victime d’un équivoque style « roman feuilleton » cherche à découvrir une vérité sexuelle, des rapports érotiques normaux.

Ce thème demeure sans doute actuel ?

De fait, le poids de l’Eglise, le sens du péché, se sont maintenus et sont encore forts. Dans le film, joue aussi le sens de l’aristocratie : si Laura Antonelli avait eu son premier rapport sexuel avec un marquis, avec un homme de la même classe sociale, elle n’aurait pas connu tous ces déboires. Voilà la vraie raison pour laquelle j’ai situé le film en Sicile. Il fallait que je dispose d’une aristocratie de campagne, isolée, repliée sur elle-même, sensible au poids de la famille, toutes caractéristiques différentes de celles d’autres régions où les gens sont plus désinvoltes, voyagent à l’étranger, ont des liaisons adultères sans que cela ne devienne un problème aussi compliqué.

Comment avez-vous conçu la direction d’acteurs pour ce film ?

Je craignais qu’Alberto Lionello ne fasse du personnage quelque chose de trop caricatural, au contraire le résultat me semble juste : son jeu est ici plus reconstruit. Par ailleurs, j’ai toujours eu à l’esprit les attitudes des acteurs du cinéma muet italien, spécialement pour les gestes de Laura Antonelli. Je pensais par exemple à Pina Menichelli, Francesca Bertini, Lida Borelli, dont les attitudes étaient encore plus ridicules, absurdes. J’ai aussi utilisé les documentations photographiques, les illustrations des romans de la fin du XIXème – début XXème siècles…
Propos recueillis et traduits de l’italien par Jean A. Gili - Ecran 76











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